LE PEUPLE CUBAIN DIT ADIEU À FIDEL CASTRO
Durant quatre jours et au terme d'un deuil national de neuf jours, la population de Cuba se masse sur le bord des routes entre la Havane et Santiago pour assister au passage du cortège funèbre de Fidel Castro, le Commandant en chef de la Révolution cubaine décédé le 25 novembre 2016. La procession traversera treize des quinze provinces de l'île ; elle emprunte symboliquement le chemin inverse qui avait mené la Caravane de la liberté vers La Havane, où les forces castristes prirent le pouvoir le 8 janvier 1959 avec, à leur tête, Camilo Cienfuegos et Che Guevara.
Vendredi 2 décembre 2016, près de la ville d'Holguin, à 150 km de Santiago de Cuba et du cimetière Santa Ifigenia, ultime demeure de Fidel Castro. Sur la Carretera Central, qui traverse le pays d'est en ouest, depuis la province de Pinar del Rio jusqu'à celle de Guantanamo, la foule est composée de militaires, de civils (des anciens, surtout) et des enfants de toutes les écoles de l'île, mobilisés pour l'occasion. Leurs cris et les chants à la mémoire du Lider Maximo (Yo soy Fidel !, viva Fidel !) composent la trame sonore du long cortège.
Après d'interminables heures d'attente, la colonne officielle apparaît enfin, survolée par un vieil hélicoptère russe. Elle comprend divers engins militaires, dont un fourgon cellulaire, une ambulance, un autobus, une vieille Lada, une Hyundai neuve et des motos de police. Au milieu de ce défilé hétéroclite, les cendres de Fidel apparaissent sur une remorque tirée par une Jeep, sous une cloche de verre entourée de fleurs. De longues heures à attendre pour quelques secondes d'inclination, puis le peuple cubain quitte les lieux à bord de vieux camions mis à sa disposition pour l'occasion.
Samedi 3 décembre 2016, Place de la Révolution à Santiago de Cuba. Plusieurs centaines de milliers de personnes se sont rassemblées pour rendre un dernier hommage au leader historique de la Révolution en présence de dignitaires venus principalement d'Amérique du Sud, parmi lesquels Dilma Roussef et Lula Da Silva du Brésil, le président bolivien Evo Morales, Daniel Ortega du Nicaragua, ainsi que l'ex star de soccer argentine Diego Maradona. Durant la cérémonie, Raùl Castro, visiblement fatigué, salue la mémoire de son frère et jure fidélité à son peuple et au socialisme.
À l'annonce de la mort de Castro, les autorités cubaines ont décrété un deuil national de neuf jours. Durant cette période, la musique, les spectacles et la vente d'alcool ont été proscrits dans tout le pays. La jeunesse de Santiago, nombreuse au rassemblement de la Place de la Révolution, se prête de bonne grâce à l'exercice patriotique, bien qu'elle semble déjà être passée à autre chose. Tandis que la bière sans alcool vendue sur place rappelle à tous la bonne tenue qu'exige l'événement, la jeunesse chantante et tournée vers l'avenir salue sans larme son vieux chef.
Dimanche 4 décembre 2016, 7 heures du matin, près du cimetière Santa Ifigenia à Santiago. Un étonnant service d'ordre barre la route vers le cimetière où Fidel Castro sera inhumé dans l'intimité. De jeunes cubains, à l'attitude combative et presque intimidante, sont venus rappeler qu'ils veilleront coûte que coûte à l'héritage révolutionnaire. Non loin, un petit groupe d'hommes venus de Moscou, nostalgiques de la grande URSS, brandissent le drapeau CCCP ; leur allure menaçante témoigne que l'on veille encore, dans la Russie de Vladimir Poutine, au bon ordre des choses à Cuba.